La sexualité anale, une pratique de plus en plus banale ?
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Parmi les pratiques longtemps considérées comme taboues, la sexualité anale suscite encore des interrogations, des fantasmes, voire des réticences. Pourtant, comme le révèle une récente étude Ifop/LELO, elle est bien plus répandue et diversifiée qu’on ne l’imagine – et surtout, elle peut devenir une source de complicité et d’épanouissement à condition de l'aborder avec curiosité, respect et communication.
L’idée que la sexualité anale concerne uniquement les jeunes ou les hommes homosexuels est un cliché tenace. Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de la moitié des hommes (52 %) et près des deux tiers des femmes (62 %) ont déjà expérimenté une forme de sexualité anale au cours de leur vie, qu’il s’agisse de pénétration digitale, d’anulingus ou de l’utilisation de sextoys. Ces pratiques ne sont donc ni marginales, ni réservées à une tranche d’âge ou une orientation sexuelle spécifique.
Pour les seniors, cette exploration peut même représenter une opportunité de renouveler l’intimité, surtout lorsque les rapports vaginaux deviennent moins confortables et les troubles érectiles plus fréquents.
La zone anale, riche en terminaisons nerveuses, offre des sensations variées et parfois inattendues. Et contrairement aux idées reçues, il n’est pas nécessaire d’aller jusqu’à la pénétration complète pour en tirer du plaisir : un massage, une caresse ou un sextoy adapté peuvent suffire à éveiller de nouvelles sensations.
L’étude souligne également que les hommes hétérosexuels sont de plus en plus nombreux à s’affranchir du stéréotype associant plaisir prostatique et homosexualité. Elle montre également que nombre de couples inversent les rôles de genre traditionnels en plaçant la femme en position de pénétrante : 30% des femmes déclarent ainsi avoir déjà pénétré analement un partenaire.
« Le développement de pratique comme le pegging (pénétration anale de l'homme avec un gode-ceinture) qui marque une forme d’interchangeabilité des rôles « pénétrant/pénétré » nous paraît symptomatique de l’idéal d’égalité et de réciprocité qui imprègne désormais le discours normatif sur la sexualité de couple. » François Kraus
Consentement et communication : les piliers d’une expérience positive
Si la sexualité anale peut être une source de plaisir, elle ne doit jamais être vécue comme une obligation. L’étude révèle une réalité troublante : 55 % des femmes déclarent que leur première expérience de sodomie ne correspondait pas à un désir personnel, mais plutôt à une pression, explicite ou implicite, de leur partenaire. Un chiffre qui rappelle l’importance absolue du consentement et de la communication dans toute exploration intime.

Comment aborder le sujet en couple ?
D’abord, en en parlant ouvertement. Exprimer ses envies, ses limites et ses craintes sans crainte d’être jugé est essentiel. Ensuite, en y allant progressivement : commencer par des caresses externes, un massage ou un doigt - toujours avec un lubrifiant adapté ! - permet de s’habituer en douceur aux sensations. Enfin, en respectant les signaux de son ou sa partenaire : la douleur n’est jamais normale. Si l’un des deux dit « stop », c’est stop.
La préparation est tout aussi cruciale. Une bonne lubrification, une relaxation préalable (un bain chaud, des exercices de respiration) et une hygiène adaptée (sans excès pour ne pas irriter la muqueuse) peuvent faire toute la différence entre une expérience agréable et une mauvaise surprise. L’idée n’est pas de performer, mais de découvrir ensemble, avec bienveillance et patience.
Briser les tabous pour améliorer la santé masculine
L’étude Ifop/LELO met aussi en lumière un enjeu de santé publique souvent négligé : seulement 51 % des hommes accepteraient un dépistage du cancer colorectal par un professionnel, un chiffre qui tombe à 32 % chez ceux n’ayant jamais eu de rapport anal. Pourtant, ce dépistage concerne tout le monde, quel que soit son vécu intime.
Pourquoi un tel refus ? Parce que la pénétration anale, même médicale, reste associée à des représentations virilistes ou homophobes dans certains milieux. Pourtant, parler de sa santé anale à son médecin n’a rien de honteux. Les professionnels sont formés pour aborder ces sujets sans jugement, et un dépistage régulier peut sauver des vies. Le cancer colorectal est le deuxième cancer le plus meurtrier en France : ne laissez pas un tabou mettre votre santé en danger.
Comme le souligne Camille Guerfi, sexologue, "cette étude met en lumière à quel point le rapport à l’anus reste chargé d’une honte silencieuse, surtout chez les hommes. Derrière le refus d’un toucher médical, il y a souvent la peur de perdre une forme de contrôle. Les hommes les plus “déconstruits” ne sont pas ceux qui rejettent leur masculinité, mais ceux qui l’élargissent.
"Accepter qu’un plaisir puisse venir de l’anus, c’est accepter que le plaisir masculin soit multiple, et vécu sans performance ni hiérarchie. C’est une révolution intime, pas une provocation. » Camille Guerfi, sexologue
Conclusion : une sexualité libre, consentie et joyeuse
La sexualité anale, comme toute pratique intime, doit être vécue sans pression, avec respect et curiosité. C’est une invitation à réinventer, enrichir, pimenter son intimité, en osant parler, explorer et s’écouter. Comme le souligne la sexologue Camille Guerfi : « La maturité sexuelle, c’est s’autoriser à ressentir sans honte, et à en parler sans détour. » Alors, pourquoi ne pas en faire une nouvelle aventure à deux ?
Source : Étude Ifop pour LELO réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 25 au 27 août 2025 auprès d’un échantillon 2 000 personnes.


